RnD Café ☕️ – #415
14 décembre 2025
Au sommaire cette semaine
- L’IA en entreprise : du ROI aux agents autonomes qui convertissent.
- La déferlante de l’IA vidéo : Intermarché vs McDonald’s, l’émotion contre l’algorithme.
- Guerre des plateformes : GPT-5.2 bat les humains, mais personne ne s’en soucie.
- Disney parie 1 milliard sur OpenAI : stratégie brillante ou pari risqué ?
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Du constat à l’action
Publication dominicale cette semaine. La fin d’année approche et ces derniers jours, les séminaires internes s’enchaînent, les conférences de fin d’année aussi.
Et à chaque fois, cette même question : « Concrètement, qu’est-ce qu’on fait avec l’IA ? ».
Derrière cette question, il y a une inquiétude légitime. Celle du dirigeant qui ne veut pas rater le train. Celle du manager qui voit ses équipes se débrouiller seules avec ChatGPT. Celle du collaborateur qui se demande si son job existera encore dans trois ans.
Ma réponse tient en trois mots : responsabilité, discernement, action.
Responsabilité, parce que laisser vos collaborateurs se débrouiller seuls avec l’IA, c’est prendre un triple risque : pour leur employabilité (ils vont développer de mauvaises pratiques), pour votre compétitivité (vous passez à côté de gains réels), et pour votre culture d’entreprise (l’esprit critique s’érode quand on délègue sa réflexion à une machine).
Discernement, parce que l’IA est un outil puissant mais qui n’est pas sans risques. Il faut apprendre à s’en servir, certes, mais surtout apprendre à maintenir son jugement critique face à ses réponses. C’est la compétence clé de 2026.
Action, parce que se forger une conviction sur l’IA sans pratiquer, c’est comme apprendre à nager en lisant un livre. Inutile.
La semaine dernière, je vous parlais de l’âge de la maturité de l’IA. De cette transition entre l’émerveillement et l’exigence de résultats. Cette semaine, les sources analysées enfoncent le clou.
Mais avant cela, petit rappel des grandes avancées 2025 en matière d’IA.

Une étude de Bain & Company vient de tomber, et elle est sans appel : pour 74% des entreprises, l’IA est devenue l’une des trois priorités stratégiques.
Mais voici le chiffre qui change tout : seulement 23% d’entre elles peuvent aujourd’hui attribuer clairement une hausse de revenus ou une baisse de coûts à leurs initiatives IA.
40% des projets pilotes en IA passent désormais en production. C’est un taux de conversion énorme qui témoigne d’une confiance croissante dans la technologie, mais aussi d’une pression immense pour obtenir des résultats. Maintenant.
En France, le mouvement est similaire, bien que peut-être plus pragmatique et moins formalisé. Une enquête pour GPO Mag montre que 67% des dirigeants français ont déjà testé l’IA, et un tiers (33%) l’utilise activement. L’usage est quotidien pour 34% d’entre eux. Surtout, 92% des utilisateurs rapportent un impact positif.
Le paradoxe ? Cette adoption se fait souvent sans plan stratégique global. C’est à la fois une force (agilité) et une bombe à retardement (manque de scalabilité et de gouvernance).
L’écart entre l’intention stratégique et la réalité financière est très significatif (d’autres études le disent ; il ne faut pas être sorcier pour le sentir…).
Et c’est cet écart qui définit le champ de bataille pour 2026.
Et donc ? Comme l’a résumé Benoit RIGAUT au Tech for Retail, on entre dans l’ère du « Proof of Profit« . La question n’est plus « Que peut faire l’IA ? » mais « Combien peut-elle nous rapporter ou nous faire économiser ? ».
Cette question simple change tout. Elle oblige à sortir des labs et à se confronter aux workflows métiers, aux processus opérationnels, à la culture d’entreprise.
En clair : La valeur ne réside plus dans l’accès à l’IA, devenue une commodité, mais dans la maîtrise de son intégration. Comme le dit Mathieu Crucq : « L’unique sujet, c’est l’évolution du mindset, des organisations, de la gouvernance ».
L’Ère des Agents qui Convertissent
Les exemples les plus parlants en termes de ROI viennent du e-commerce, où les assistants IA sont devenus des agents autonomes capables de décisions et d’actions sans supervision constante.
Le Black Friday 2025 a été révélateur. Le chatbot Rufus d’Amazon n’est plus un simple assistant conversationnel. Il agit comme un agent d’achat : comprendre des intentions complexes, comparer, guider jusqu’à l’achat final.
Les chiffres parlent :
- Sessions avec Rufus : +75% d’achats d’un jour à l’autre
- Sessions sans chatbot : +35%
- Trafic IA sur l’e-commerce US : +805% en 1 an
- Taux de conversion IA : +16% vs autres canaux
Au-delà du commerce, Booking.com a développé un agent GenAI pour gérer les communications partenaires-clients. Dans le financier, juridique, RH, les agents prennent en charge des processus entiers : analyse de CV (attention sujet sensible), rédaction de contrats, gestion de planning…
Ce qui Change Vraiment
Le défi n’est plus technologique. Il est organisationnel. Pour générer du ROI, il ne suffit pas de brancher une API. Il faut repenser les workflows de fond en comble.
La valeur de l’IA agentique ne vient pas de l’agent lui-même, mais de la refonte du processus qu’il permet.
Copier-coller un agent sur un workflow existant produit des gains marginaux. Il faut avoir le courage de tout casser pour reconstruire autour des nouvelles capacités. Objectivement pas simple mais gratifiant.
L’IA excelle en analyse de données, synthèse, contenu standardisé. L’humain garde l’avantage dans la négociation complexe, le leadership, la communication émotionnelle, la résolution de problèmes ambigus. On l’a déjà dit !
Le risque ? Utiliser les agents pour réduire les coûts sans réinvestir dans la montée en compétence. Résultat : fragilisation cognitive et perte d’innovation.
En clair : L’ère des agents ne signifie pas la fin du travail humain, mais sa transformation. Les gagnants orchestreront vitesse d’exécution ET exigence de contrôle.
On fait quoi ?
- Auditez vos pilotes IA : Abandonnez ceux qui n’ont pas de chemin clair vers la rentabilité. Concentrez-vous sur 2 ou 3 cas d’usage à fort potentiel.
- Pensez « workflows » avant « outils » : Cartographiez le processus existant et demandez-vous s’il ne faut pas le réinventer entièrement.
- Identifiez les tâches « agentifiables » : Processus répétitifs à forte charge cognitive (gestion de planning, analyse de données, support client niveau 1).
- Testez des agents spécialisés : Commencez par des agents à périmètre limité (réservation, reporting) avant de déployer des agents généralistes.
- Formez vos équipes au pilotage d’agents : La compétence clé de demain est de savoir superviser, auditer et corriger des agents autonomes.
- Maintenez l’humain dans la boucle sur les décisions critiques : Les agents sont excellents pour l’exécution, mais les décisions stratégiques restent sous contrôle humain.
La Déferlante de l’IA Vidéo : L’Émotion Contre l’Algorithme ?
Si une technologie incarne l’accélération de l’IA en 2025, c’est la génération vidéo. Il y a quelques mois, on s’émerveillait de clips maladroits. Aujourd’hui, Veo3, Kling, Sora et Runway Gen-4.5 produisent des vidéos de qualité professionnelle.
McDonald’s vs Intermarché : Le Grand Écart
Mais cette semaine, deux pubs de Noël ont cristallisé un débat : l’IA vidéo est-elle une révolution créative ou une menace pour l’émotion humaine ?
McDonald’s Pays-Bas lance une pub 100% IA (A lire ici). Résultat : bad buzz, commentaires désactivés, vidéo retirée après 4 jours. Critiques : « creepy », « soulless », « AI slop ». L’esthétique IA a créé un malaise plutôt qu’une connexion émotionnelle.
Est-ce la forme ou le fond ? Le film mettait en scène le stress des fêtes et suggérait de passer Noël chez McDonald’s — un message jugé mal aligné avec le contexte anxiogène actuel.

Intermarché cartonne avec un conte de Noël animé
20 millions de vues en 3 jours. Secret ? ≈ 100 personnes, 1 an de travail, SANS IA ; le studio montpelliérain Illogic Studios confirme : « Tous les dessins sont faits et peints par des humains, ce qui permet de créer une vraie émotion » (France 24).

Thierry Cotillard (patron Intermarché) : « Très fier de donner une leçon aux Américains qui sortent toutes leurs pubs avec l’IA »
Et donc ? L’IA vidéo impressionne techniquement, mais peine à créer une connexion émotionnelle authentique. Quand McDonald’s mise sur la vitesse, Intermarché mise sur l’émotion. Et c’est Intermarché qui triomphe.
Oui mais… Attention aux raccourcis.
Lucas Navarro, dirigeant du studio, le confirme : « En tant que studio d’animation, on s’intéresse à l’IA, mais comme un outil au service des artistes », précise-t-il.
Reste cette réalité : travailler un an à 100 personnes n’est pas à la portée de tous. L’essentiel demeure l’émotion. Bien encadrée, l’IA n’est qu’un moyen qui sert la main d’un artisan.
Disney parie 1 Milliard sur OpenAI et Sora
Disney investit 1 milliard de dollars dans OpenAI et accorde une licence exclusive pour plus de 200 personnages Disney utilisables sur Sora. Bob Iger justifie l’accord comme « une porte d’entrée stratégique vers l’IA » pour toucher les jeunes audiences.

Concrètement : vidéos créées par les utilisateurs diffusées sur Disney+, déploiement de ChatGPT auprès des collaborateurs, et nouvelles API pour Disney+.
Mais l’accord est critiqué. Christophe Lachnitt, dans son analyse pour Superception, pointe le risque : « Il n’est pas à la hauteur des valeurs de la marque Disney et risque de dégrader l’image des personnages mis dans des situations peu enviables par les utilisateurs de Sora ».
Disney a immédiatement accusé Google de violation de droits d’auteur pour ses modèles (Gemini, Imagen, Veo, Nano Banana). Le timing révèle une guerre stratégique pour le contrôle de l’IA créative.
Kling, Sora, Runway : La Nouvelle Garde
Kling 1.0 intègre la génération de son et dialogues de manière native. La version 2.6 améliore fluidité et réalisme, réduisant la post-production.
Les workflow créatifs se consolident. Jérôme Mettling produit un exemple pour Maserati en ne citant dans son prompt que le nom des modèles (pas d’image de référence). Il utilise le combo suivant : Nano Banana Pro (images) + Kling O1 (vidéos) + Adobe Première Pro (montage vidéo et son).

Ce qui Change
Comme le souligne Mathieu Crucq : « Comment valoriser un travail qui prend 30 minutes aujourd’hui qui prenait 5 jours hier ? ».
La réponse : déplacement vers l’idéation stratégique, la direction artistique, le storytelling. La capacité à formuler le bon prompt, sélectionner, éditer et intégrer devient la compétence clé.
En clair : La production vidéo n’est plus une barrière technique. Le vrai filtre est désormais la qualité de la direction artistique. L’IA démocratise l’exécution ; elle ne remplace ni la vision ni l’émotion.
Guerre des Plateformes : GPT-5.2 bat les humains, mais personne ne s’en soucie
La concurrence s’intensifie, la technologie se banalise, et un phénomène émerge : la lassitude des utilisateurs.
Un post révélateur circule : « no one cares. » OpenAI sort GPT-5.2 jeudi, et cela ne fait plus le même bruit qu’avant…
GPT-5.2 : Des Performances Inédites sur les Tâches Humaines
Pourtant, les chiffres sont spectaculaires. GPT-5.2 franchit une barre symbolique : il bat désormais les humains experts sur des tâches réelles de travail. Pas sur des puzzles ou des benchmarks artificiels, mais sur des tâches qui prennent 4 à 8 heures à des professionnels qualifiés.
Le nouveau metric GDPval est sans appel : dans des évaluations jugées par des humains, GPT-5.2 l’emporte 71% du temps.
Les modèles précédents ne dépassaient pas 50%. C’est la première fois qu’un système d’IA est systématiquement plus compétitif que les humains sur des tâches à forte valeur ajoutée.
Autres avancées :
- Fenêtre de contexte étendue : l’équivalent de 700 pages PDF
- Performance cognitive : bond de 38% à 74% sur les tâches de travail intellectuel
- Hallucinations réduites : de 8,8% à 6,2%
- Vision quasi-humaine : 88% de précision
Et donc ? L’IA n’est plus « assistive », elle devient « substitutive » pour de nombreuses tâches intellectuelles. Le moment où l’IA cesse d’être un simple outil pour devenir un concurrent direct sur le marché du travail cognitif est arrivé.
Le « Code Rouge » d’OpenAI
Cette montée en puissance de GPT-5.2 est la réponse d’OpenAI à une concurrence féroce. Google Gemini 3 surclasse la concurrence sur certains benchmarks. Anthropic Claude Sonnet 4 séduit les entreprises avec son approche sécurité. Cette compétition a forcé OpenAI à déclencher un « code rouge » interne.
Comme le souligne Brian Solis, la stratégie gagnante implique désormais une diversification des fournisseurs et un benchmarking continu par cas d’usage.
BREVES, TIPS & SIGNAUX FAIBLES DE LA SEMAINE
L’IA transforme discrètement le travail de bureau.
Une étude du Journal du Geek met en garde contre les risques d’une pensée plus superficielle, tandis que David Rock dans la Harvard Business Review pointe la perte potentielle d’attention. En clair : L’enjeu pour les managers est de trouver le juste équilibre entre gains de productivité et préservation des compétences cognitives. Déléguer sans s’abrutir, c’est le nouveau défi.
WordPress infuse l’IA au cœur de l’Open Source.
WordPress, qui est l’outil technique derrière 43% du web, a dévoilé ses ambitions IA. Comme le note Frederic CAVAZZA, l’enjeu est de taille avec le protocole MCP pour standardiser les échanges avec les agents IA et l’Abilities API pour sécuriser leurs actions.
Tendance 2026 : « Cloud Dancer ».
Pantone a dévoilé sa couleur de l’année 2026 : « Cloud Dancer », un blanc mat et aérien qui symbolise un besoin de « reset visuel » et de minimalisme. Selon Creapills, cette tendance influencera autant la mode que le design des produits technologiques. En clair : Même Pantone nous dit qu’on a besoin d’un break. Le minimalisme sera le luxe de 2026.

Google prévoirait des pubs dans Gemini en 2026… que Google dément
Selon Adweek, Google aurait indiqué à des agences que des emplacements publicitaires arriveraient dans l’app Gemini en 2026.
Dans la foulée, Google (Dan Taylor, VP Global Ads) a démenti publiquement : « il n’y a pas de publicités dans l’app Gemini et aucun plan actuel pour en mettre ».
Chauffer le modèle pour de meilleures réponses
Résumé. Avant de poser la “vraie” question technique à une IA, commencez par des questions simples et connues (« Que sais-tu de… ? », « Quels sont les principaux problèmes ? »). Cela force le modèle à expliciter ses connaissances, crée un contexte solide et améliore nettement la qualité de la réponse finale. Vu chez Benoît Raphaël.

Radio France : 1 million de podcasts transcrits, 7 usages concrets
Radio France a transcrit près d’1 million de podcasts (≈ 18 ans d’antenne) pour outiller ses équipes et ses audiences : enrichissement du CMS Atlas, assistant IA pour titres/résumés (en test), accessibilité pour les malentendants, extraction de citations pour les réseaux sociaux, recherche sémantique dans le catalogue, mesure du temps de parole (projet Synapse : timecodes + identification des intervenants) et aide au taggage (Gemini 2.5, base : 120 000 entités, 350 thèmes).
☕ Un café en vrai ?
Comment passez-vous du « Proof of Concept » au « Proof of Profit » avec vos initiatives IA ? Vos équipes sont-elles prêtes à piloter des agents autonomes ? Et dans le débat Intermarché vs McDonald’s, quel camp votre marque choisit-elle : l’émotion humaine ou l’efficacité algorithmique ?
Alors, pourquoi ne pas en parler autour d’un café (virtuel ou réel) ?
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