RnD Café ☕️ – #416

20 décembre 2025

Au sommaire cette semaine

  • Ce qui va changer en 2026
  • La bataille des navigateurs « assistants »
  • Marketing et Visibilité

👉 Les synthèses de cette édition à écouter et à voir avec NotebookLM. Version audio RnD Expresso et slides vidéo NotebookLM, génération d’infographies et de slides.

Synthèse de la semaine RnD Café 416
Tendances IA

La Dinde de Russell et l’IA : quand « on a toujours fait comme ça » coûtera cher en 2026.

Dinde de Noël

Nous sommes à quatre jours de Noël 2025.

L’année s’achève. Et avec elle, me revient une petite parabole de Bertrand Russell (mathématicien et philosophe anglais, 1872-1970).

Russell la raconte comme ceci :

Chaque matin, une dinde observe que des humains la nourrissent. Raisonnant par induction, elle a recueilli un nombre estimé suffisant d’observations — en l’occurrence, 364 jours. Elle en déduit donc que l’espèce humaine est bonne et bienveillante. Elle attend donc sereinement le 365e matin. Mais le 365e matin est le jour de Noël : elle est tuée pour servir de repas. Pendant 99,73 % du temps (364 jours sur 365), sa conjecture était exacte et sa confiance dans ses prévisions augmentait. Le dernier jour de l’année vient annihiler cette prévision.

La dinde ne se trompe pas par naïveté, mais par raisonnement logique. Elle illustre parfaitement ce que l’on appelle le biais d’induction : projeter l’avenir à partir du passé, en supposant que ce qui a toujours fonctionné continuera à fonctionner sauf que le 365e jour arrive dans les prochains mois.

En marketing et en e-commerce, nous raisonnons souvent comme cette dinde.

Pendant des années, produire du contenu permettait de capter du trafic via Google. Logique donc de continuer. Sauf que les interfaces d’intelligence artificielle répondent désormais directement aux intentions, sans forcément générer de clic. Le contenu est lu, synthétisé, utilisé… mais la visite disparaît.

Même logique côté publicité. Nous avons appris à piloter finement des campagnes, à régler audiences et paramètres. Aujourd’hui, les plateformes automatisent le ciblage, les créations et l’arbitrage. Continuer à tout contrôler “comme avant” n’est plus une preuve de maîtrise, mais souvent un retard opérationnel.

En e-commerce, le site reste majoritairement pensé pour des humains qui cliquent, filtrent, comparent. Or des agents d’achat arrivent, capables de chercher, comparer et acheter pour le compte des utilisateurs. Dans ce contexte, la donnée produit devient un actif concurrentiel. Les algorithmes analysent descriptions, avis clients, cohérence des attributs, signaux de confiance. Les marques dont la donnée est propre, standardisée et riche gagnent en visibilité supplémentaire dans les moteurs et assistants d’achat. Les autres ne sont pas pénalisées : elles sont simplement ignorées.

Même chose pour le contenu. Le contenu générique, produit “pour tout le monde”, devient mécaniquement invisible. À l’inverse, les marques capables de personnaliser à grande échelle — segments, usages, moments, contextes — observent des taux de conversion jusqu’à deux fois supérieurs, selon plusieurs études récentes du commerce en ligne. Ce n’est pas une question de créativité. C’est une question de granularité.

La visibilité elle-même se fragmente. Google n’est plus l’unique porte d’entrée. TikTok, Amazon, YouTube, marketplaces, moteurs internes… et désormais agents conversationnels. Les données indiquent qu’aucun canal (moteurs, réseaux sociaux, média traditionnel, recommandation) ne capte plus d’un tiers de la découverte de marque à lui seul, et que les clients utilisent en moyenne près de six sources différentes pour découvrir de nouveaux produits ; continuer à raisonner autour d’un seul canal augmente le risque de manquer des audiences importantes et diversifiées.

Même les fondamentaux bougent. Le prix, longtemps figé par saison ou par campagne, devient dynamique. Les systèmes d’optimisation en temps réel permettent déjà d’améliorer la marge simplement en s’adaptant à la demande, au stock, au contexte. Quand le prix ne bouge jamais, ce n’est pas de la stabilité. C’est souvent une opportunité manquée.

Enfin, il y a la question que beaucoup repoussent : la formation. “On se formera quand on aura le temps.” Problème : l’intelligence artificielle évolue chaque mois. Les organisations qui apprennent en continu opèrent déjà plus vite dans leurs cycles marketing et commerciaux.

Le problème n’est pas d’avoir fait “comme avant”.
Le problème, c’est de croire que ces façons de faire sont des lois naturelles, alors qu’elles n’étaient que des équilibres temporaires.

La bonne nouvelle, pourtant, est réelle.

Plus les outils s’uniformisent, plus la valeur se déplace vers ce qu’ils copient mal : un point de vue clair, des choix assumés, une expérience vécue, une expertise réellement pratiquée.

La singularité se travaille.

L’authenticité se vérifie dans la durée, par la cohérence entre décisions et actions

En 2026, la différence ne se fera pas entre ceux qui utilisent l’intelligence artificielle et ceux qui la refusent. Elle se fera entre ceux qui l’utilisent sans discernement… et ceux qui s’en servent pour amplifier ce qui les rend réellement distinctifs.

La dinde, elle, n’a jamais eu l’occasion de se poser ces questions.
Nous, si.

Passez de très bonnes fêtes, et à l’année prochaine pour la suite (concrète).


HORIZON 2026 : VERS UNE NOUVELLE MATURITÉ ?

Selon le dernier rapport d’OpenAI, l’adoption européenne s’accélère drastiquement (+146 % en France, 4ème client mondial B2B), portée par des entreprises qui ne cherchent plus seulement à « tester », mais à intégrer l’IA via des API et des versions Enterprise. Mais cette croissance masque une transformation plus profonde des rôles et du travail. A lire : les 10 compétences importantes pour 2030 : IA et big data, maîtrise technologique, pensée créative, résilience, flexibilité et agilité, pensée analytique, leadership et influence sociale, motivation et conscience de soi, pensée systémique, curiosité et apprentissage tout au long de la vie et gestion des talents.

David Armano, dans son analyse des « Six Shifts » pour les six prochaines années, souligne un glissement sémantique et opérationnel majeur : nous passons de la « co-intelligence » à la « co-dépendance ». L’IA cesse d’être un simple copilote pour devenir une infrastructure critique dont on ne peut plus se passer pour exécuter des tâches complexes (Lu chez Laura Bokobza).

Co-dépendance à l'IA

Cela rejoint les prédictions de Fred Cavazza pour 2026, qui anticipe une consolidation massive du marché par les géants de la Tech. Pour lui, l’IA va réorganiser les marchés publicitaires et imposer de nouvelles gouvernances de l’information.

Lire la suite de ses prédictions ici : https://fredcavazza.net/2025/12/16/mes-10-predictions-pour-2026/.

Pour ne pas faire partie des 88 % d’entreprises à la traîne évoquées par Accenture, la priorité est de sécuriser votre accès aux données internes. Si votre IA ne connaît pas votre entreprise, elle ne sert à rien à grande échelle.

OK. Quels premiers chantiers ?

  • On audite les processus critiques : quelles tâches sont prêtes pour une « co-dépendance » IA ?
  • On forme massivement : l’IA n’est pas magique, elle nécessite une acculturation (voir les cours Google plus bas).
  • On arrête les POCs isolés pour viser des projets d’infrastructure connectés aux données réelles.

GOOGLE DISCO : L’EXPÉRIENCE WEB DE DEMAIN

Google semble enfin prêt à bousculer son produit phare, Chrome, pour répondre à la menace des nouveaux usages IA. Le projet « Disco » n’est pas juste un nouveau navigateur, c’est une réinvention de l’interface entre l’utilisateur et le web.

Selon The Verge, Disco est un environnement expérimental capable de générer des « GenTabs » (onglets génératifs). Au lieu d’afficher une simple page web, ces onglets créent des mini-applications interactives à la volée, basées sur votre demande et le contexte de votre navigation.

Démonstration Google Disco

Concrètement, si vous planifiez un voyage, Disco ne se contente pas de lister des liens. Comme l’analyse également Laura Bokobza, il peut ingérer le contexte de plusieurs onglets ouverts (hôtels, vols, blogs) pour proposer un outil de planification unifié et collaboratif. Il gère les contraintes multiples et transforme la navigation passive en action.

Et donc ?

Encore un signal fort de la mort de la « recherche » telle que nous la connaissons (10 liens bleus). Nous passons d’un web de consultation à un web d’action. L’IA devient l’interface, le navigateur devient l’agent. Pour les marques, cela pose cette question que nous avons déjà abordée ici : si l’utilisateur interagit avec une « GenTab » créée par Google, voit-il encore votre site web ?

On fait quoi ?

  • On surveille Disco de très près, c’est le futur de Chrome.
  • On commence à réfléchir à la structure de ses données : sont-elles lisibles par une IA qui doit « comprendre » pour agir ?

BREVES, TIPS & SIGNAUX FAIBLES DE LA SEMAINE

Le Conseil d’État pose les règles

C’est une boussole importante pour tout déploiement d’IA dans un cadre réglementé. Le Conseil d’État vient de publier une charte encadrant l’usage de l’IA dans la justice administrative. Sept principes clés, dont le maintien d’une « décision humaine exclusive » et la maîtrise de l’impact environnemental. C’est un modèle de gouvernance à copier pour vos propres chartes internes.

La Société Générale aussi

Pour 2026–2028, la banque réduit nettement ses cabinets référencés et introduit une clause encadrant l’usage de l’IA (confirmée par 5 sources). Message : si l’IA fait gagner du temps, le client veut sa part de valeur.

Concrètement :

  • Passer du “temps × TJM” à des modèles orientés résultats (forfait, success fee).
  • Rendre transparent l’usage de l’IA (process, sécurité, conformité).
  • Se positionner : commodité (volume/prix) ou impact (résultats mesurables, partage des gains).
  • Intuition marché : d’ici 12–18 mois, la plupart des grands comptes adopteront une clause IA.

Google propose 9 certifications IA

Google a mis en ligne neuf cours gratuits et certifiants. Cela va du « Prompt Engineering » aux principes de l’IA responsable. C’est le moment de former vos équipes (ou vous-même) sans dépenser un euro de budget formation. Idéal pour amorcer l’année 2026.

L’explosion de l’IA Vidéo

On ne parle plus d’expérimentation : plus de 100 millions de minutes de vidéo IA ont été générées en 2025 (contre une poignée en 2022). Des outils comme HeyGen deviennent des infrastructures standards pour la formation et le marketing.

Evolution du nombre de minutes produites par Heygen

Usages numériques 2025 : +19% de trafic, bots en hausse, WordPress et Google dominent

Le rapport annuel Cloudflare confirme une hausse de 19% du trafic, une montée des bots IA (~4,2% des requêtes HTML, Googlebot à 4,5%), et WordPress qui reste le CMS n°1 (47% des sites scannés) ; Google demeure le service le plus visité (Year in Review 2025 via Fred Cavazza)

Gemini 3 Flash : le nouveau challenger

Google frappe fort avec Gemini 3 Flash. Selon les premiers retours, ce modèle serait équivalent à GPT-5.2 (dans sa catégorie de poids) pour la plupart des usages courants, surpassant Claude 4.5 Sonnet sur les benchmarks officiels, le tout pour un coût bien inférieur. Une option sérieuse à considérer pour réduire vos factures d’API en 2026.

Créativité : ChatGPT Images essaie de ne pas se faire (trop) distancé par Google

La « Démonstration de ChatGPT Images en action » montre un saut qualitatif. Avec le modèle GPT Image 1.5, on passe à de meilleures cohérences des personnages, des retouches enfin localisées et compréhension des nuances stylistiques.

Démonstration de ChatGPT Images

Technique : Le Prompt « Nano Banana »

Pour les créateurs vidéo, une pépite technique repérée : le « Prompt Nano Banana / Champ contre champ« . Cette technique de prompting permet de maintenir une cohérence parfaite des personnages lors de la génération de scènes dialoguées avec des plans alternés. Indispensable pour le storytelling IA.

Prompt Nano Banana / Champ contre champ

Audio : Meta lance SAM Audio, l’édition sonore… à la voix

Meta a présenté un outil (SAM Audio) capable d’extraire une bande-son d’un personnage, objet, instrument d’une vidéo … en cliquant dessus : sélection d’objets sonores, isolement/nettoyage en langage naturel et manipulation en temps (quasi) réel (annonce).

Démonstration SAM Audio par Meta édition sonore à la voix

Sécurité : une carte cadeau peut vous faire perdre 20 ans de vie numérique

La mésaventure rapportée cette semaine — compte Apple clôturé après une carte cadeau compromise — rappelle la fragilité de nos vies en ligne, entre achats inaccessibles et photos perdues (Source et Synthèse chez William Réjault.)

Gouvernance IA : “Faut arrêter de croire les IA, les gens…”

Les modèles peuvent produire du plausible… faux que le public le prend parfois au pied de la lettre (ex. bibliothèques débordées par des “livres” inventés).

Le Père Noël Synthésia a quelque chose à vous dire

Allez… Une dernière. Cette année Synthésia, l’un des leaders dans la création d’avatar vous permet d’envoyer un message du Père Noël personnalisé. A tester ici : https://www.synthesia.io/santa

Démonstration de Synthésia créateur d'avatar

☕ Un café en vrai ?

Comment passez-vous du « Proof of Concept » au « Proof of Profit » avec vos initiatives IA ? Vos équipes sont-elles prêtes à piloter des agents autonomes ? Et dans le débat Intermarché vs McDonald’s, quel camp votre marque choisit-elle : l’émotion humaine ou l’efficacité algorithmique ?

Alors, pourquoi ne pas en parler autour d’un café (virtuel ou réel) ?

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