RnD Café ☕️ – #413
28 novembre 2025
Au sommaire cette semaine
- Agents IA et fin des pages web : quand l’interface disparaît, qui finance encore le contenu et la relation client ?
- ChatGPT en assistant shopping : vers une nouvelle répartition des flux et de la valeur dans le commerce en ligne.
- La bataille se déplace vers l’infrastructure : Google et l’avantage des acteurs intégrés de bout en bout.
- Prompts et cadres mentaux : comment les “frames” de George Lakoff peuvent améliorer la qualité de vos résultats.
- LinkedIn : le nouvel algorithme favorise-t-il certains contenus au détriment d’autres ?
👉 Les synthèses de cette édition à écouter et à voir avec NotebookLM. Version audio RnD Expresso et slides vidéo NotebookLM, génération d’infographies et de slides (même si RnD est devenu R&D)



Guerre de l’interface, guerre de l’infrastructure : qui gardera la relation client ?
Une fois n’est pas coutume, publication avancée et en mode RnD Café Ristretto, cette semaine en raison de quelques jours off.
Sur ces 4 premiers jours de la semaine, on respire un peu par rapport à la dernière édition et aux annonces majeures de Google (Google Gemini 3, Nano Banana Pro).
L’avalanche de superlatifs pour autant ne faiblit pas tant que ça. Tout le monde y va de ses propres tests et les retours sont toujours impressionnants. Exemples de génération d’images Nano Banana ici.

Malgré tout ce bruit, rappelons que l’intelligence artificielle reste un outil statistique : elle n’est pas infaillible, et ne le sera sans doute pas avant un bon moment encore.
A voir ces tests pour créer une horloge via IA (vu chez Fred Cavazza) ou cet inénarrable bêtisier proposé par Gilles Guerraz qui nous rappelle que pour la génération d’une vidéo complète, ce sont des dizaines (centaines) d’hallucinations, aberrations, incohérences.
Il remet en exergue cette citation ô combien dans l’air du temps :
Comme le disait Samuel Beckett : « Essayer. Rater. Essayer encore. Rater mieux. »

Mais finalement depuis trois ans, on nous raconte toujours un peu la même histoire.
Celle d’une course effrénée où les modèles d’IA se dépassent les uns les autres chaque mois.
OpenAI lance une nouvelle version, Anthropic réplique, Google contre-attaque. C’est spectaculaire, c’est rapide, et c’est la partie visible de l’iceberg.
La véritable guerre de l’intelligence artificielle ne se joue probablement pas seulement sur la performance des modèles, mais sur deux fronts simultanés et radicalement différents : la guerre de l’Interface et la guerre de l’Infrastructure.
Sur le premier point : c’est la nature même de l’interaction qui évolue.
Des acteurs comme Perplexity ou OpenAI poussent des agents qui font le travail « visible » pour l’utilisateur — chercher, comparer, commander — sans jamais rendre visite aux pages que ces entreprises monétisent.
En quelques mots, ils contournent les parcours clients savamment conçus par les entreprises. Ils menacent de rendre obsolètes les interfaces web où se nichent la publicité, les upsells et la collecte de données.
C’est une guérilla qui se déroule sur le terrain de l’expérience utilisateur.
Imaginez un client qui entre dans votre magasin, choisit le produit parfait, et repart sans jamais passer à la caisse, sans voir vos promotions et sans que vous n’ayez pu échanger un mot avec lui. C’est précisément ce qui est en train de se passer sur le web. La menace ne vient pas d’un concurrent, mais d’une nouvelle classe d’intermédiaires : les agents IA.
Et donc ? Le Web tel que nous le connaissons est menacé par une couche logicielle qui n’a qu’un objectif : servir l’utilisateur, pas le site.
En clair : on n’est plus en train de discuter d’optimisation SEO (référencement dans les moteurs de recherche) ou d’amélioration CRO (Conversion Rate Optimization). On parle de qui possède la relation client. Si un agent agit en votre nom, le producteur de contenu ou le retailer perd la capacité de monétiser cette relation traditionnelle.
C’est la thèse centrale de la réflexion partagée par Elisabeth Gravil et Florent Daudens sur la « guerre de l’interface ».

Pendant ce temps, ça y est : OpenAI transforme ChatGPT en personal shopper.
Selon Alexandre Dos Santos, cet outil rend la recherche de produits nettement plus précise (27 points de mieux que ChatGPT Search, d’après sa synthèse) et annonce l’arrivée d’un achat quasi immédiat, directement depuis l’assistant.
En résumé : l’utilisateur gagne en confort, l’écosystème perd en visibilité et en contrôle économique.
Brian Chesky d’Airbnb résume l’enjeu : les plateformes d’agents d’intelligence artificielle (IA) ne marcheront que si les entreprises y participent, et qu’elles n’y participeront que si elles peuvent encore garder une relation directe avec leurs clients, ce qui devient difficile quand un agent s’intercale entre les deux.
Mise en perspective : ce n’est pas une fatalité technique, c’est un défi stratégique. Les entreprises peuvent se protéger et capter de la valeur si elles repensent l’expérience en mode « citable par agents » et si elles redéfinissent les incontournables de la relation client.
La question n’est plus seulement « comment attirer l’utilisateur sur ma page ? » mais « comment rendre mon contenu indispensable dans la boîte à outils d’un agent ? »
Les retailers ont deux options :
1. s’adapter (rendre leurs catalogues et métadonnées agent‑friendly, contracter des accords de distribution via API)
2. ou se battre (verrouiller l’accès, former des coalitions).
La seconde option peut être coûteuse et perdante à long terme si l’utilisateur privilégie l’efficacité.
On retrouve la même logique que dans l’évolution des moteurs de recherche : ceux qui ont réussi à gagner de l’argent grâce aux réponses affichées directement par les moteurs ont continué à récupérer une part importante de la valeur.
Et donc ?
Il faut optimiser nos contenus pour qu’ils soient lisibles et citables par l’IA, mesurer ces citations plutôt que le simple trafic, et ouvrir nos données via des interfaces de programmation applicative (API) pour capter cette nouvelle distribution.
Mais il y a un second front, plus lent, plus silencieux.
C’est la guerre de l’Infrastructure.
C’est une guerre d’usure, de logistique et de contrôle vertical. Et sur ce front, Google, que l’on disait en retard, est en train de bâtir une forteresse imprenable.
Pendant que les autres dépendaient de Nvidia pour les puces et du web public pour les données, Google a patiemment aligné ses pions.
Ils contrôlent leurs propres données, des décennies de contenu propriétaire. Ils conçoivent leurs propres puces, les TPU (on en parlait la semaine dernière), optimisées pour leurs modèles. Ils possèdent leur propre cloud. Ils investissent dans leur propre énergie.
Ils maîtrisent la chaîne de valeur de l’atome jusqu’au pixel.
Voir l’analyse de Benoît Raphael ; totalement aligné.
Regardez Meta qui négocie secrètement avec Google pour acheter massivement des TPU dès 2027. La simple rumeur a fait reculer l’action Nvidia de 6%. Un contrat qui se chiffrerait en milliards et redistribuerait complètement l’équilibre du marché.
Mise en perspective : nous assistons au passage d’un oligopole Nvidia vers un duopole Google-Nvidia. Avec des conséquences géopolitiques majeures.
OpenAI dépend de Microsoft. Anthropic dépend d’Amazon. Tous dépendent encore largement de Nvidia. Google, lui, est chez lui.
Pour nos entreprises, comprendre ces deux fronts est vital. Il ne suffit plus de se demander « comment utiliser l’IA ? », mais bien « sur quelle infrastructure notre stratégie IA repose-t-elle ? » et « notre interface client est-elle prête à affronter des agents autonomes ? ».
L’IA transforme silencieusement la productivité
Pendant que le débat sur une future intelligence artificielle générale (qui « raisonne ») continue, l’IA révolutionne déjà le travail quotidien.
Une étude d’Anthropic sur 100 000 conversations réelles avec Claude révèle l’ampleur de cette transformation. (Vu ici)

Des gains mesurables
Les chiffres sont significatifs : Claude estime réduire le temps de réalisation des tâches de 80% en moyenne. Les tâches analysées prendraient 1,4 heure sans IA.
En extrapolant, Anthropic suggère que l’IA pourrait doubler la croissance de la productivité américaine sur la décennie : +1,8% par an contre +0,9% récemment.
Mais ces estimations ont leurs limites. Elles ne considèrent ni le taux d’adoption réel, ni le temps de validation humaine, ni la courbe d’apprentissage nécessaire.
L’automatisation invisible du bureau
Les transformations les plus profondes passent inaperçues. Prenons la comptabilité : la saisie de relevés bancaires et factures, qui représentait 30% du temps d’un employé, se fait désormais automatiquement. Les assistants IA traitent les emails de routine, génèrent des rapports, préparent des présentations.
Côté créatifs et développeurs, l’étude FIGMA vue chez Laura Bokobza indique que c’est pour les développeurs que l’augmentation de la qualité de leur travail est la plus sensible : 68% contre 40% chez les designers.

Cette automatisation crée une zone d’incertitude : le temps libéré améliore-t-il la qualité de vie ou augmente-t-il simplement la charge de travail ? La réponse dépendra largement des choix managériaux.
A lire également dans l’analyse semestrielle de Ben Evans, résumé ici en une infographie par NotebookLM (et vérifiée).

Révolution dans l’éducation
L’impact sur l’enseignement est spectaculaire. Les modèles multimodaux comme Gemini 3 peuvent photographier une page d’examen et résoudre l’exercice directement sur l’image, en imitant l’écriture manuscrite. Vu ici.

Résultat : les exercices reproductibles deviennent obsolètes. Le système éducatif doit pivoter vers l’évaluation de la pensée critique, l’analyse, les projets oraux. Une transformation aussi profonde que l’arrivée de la calculatrice en mathématiques.
De l’expérimentation à l’industrialisation
Les entreprises franchissent un cap décisif. Gartner a reconnu OpenAI comme « Emerging Leader » pour 2025, soulignant la transition des projets pilotes vers les déploiements en production.

Les priorités changent : exit les démos impressionnantes, place à la sécurité, la gouvernance et la fiabilité à l’échelle. Les entreprises matures intègrent l’IA dans des workflows critiques, avec des agents multimodaux qui produisent des résultats mesurables.
Anthropic réplique avec Claude Opus 4.5, le maître du code et des agents
Sur le sujet des agents, Anthropic a dégainé sa nouvelle arme cette semaine : Claude Opus 4.5. Dans son annonce officielle, la société le positionne comme le meilleur modèle du marché sur trois axes critiques : le codage, les tâches agentiques (comme l’utilisation d’outils et d’API) et l’utilisation d’applications bureautiques.
Selon la newsletter Superhuman, cette nouvelle version surpasse significativement ses concurrents sur ces domaines, tout en étant plus abordable que la version 4.1. L’offensive est complétée par des mises à jour de « Claude Code » et des intégrations avec Excel et Chrome. Une démonstration en action est disponible sur YouTube.
Anthropic se positionne sur le monde de l’entreprise et du développement logiciel, le cœur des processus de création de valeur.
Et donc ?
• Identifiez vos « quick wins » : Quelles tâches répétitives de vos équipes peuvent être automatisées immédiatement ?
• Formez avant d’équiper : L’adoption d’outils IA requiert un changement de mentalité, pas seulement technique
• Mesurez l’impact réel : Temps gagné, qualité produite, satisfaction équipes – pas seulement la productivité brute.
BREVES, TIPS & SIGNAUX FAIBLES DE LA SEMAINE
Suno révèle ses chiffres d’entraînement
La startup d’IA musicale qui vient de signer avec Warner dévoile des métriques fascinantes dans son deck investisseur : 32M$ de coût d’entraînement sur 2 ans, 100 millions d’utilisateurs dont 1 million d’abonnés payants (taux de conversion de 1%). Un blueprint pour comprendre l’économie des IA créatives à lire chez Fred Cavazza.
SynthID : Google contre les deepfakes
Face à la qualité croissante des images générées par IA, Google intègre dans Gemini un outil de vérification. SynthID peut analyser une image et déterminer si elle a été créée par une IA Google. Extension prévue vers vidéo, audio et standard C2PA pour détecter les contenus d’autres IA.
L’AI Act européen reporté
La Commission européenne propose de repousser l’application complète de l’AI Act pour les IA « haut risque » d’août 2026 à décembre 2027. Objectif : donner plus de temps aux entreprises, mais les critiques dénoncent un affaiblissement de la protection des consommateurs. Source.
Améliorez vos prompts avec la linguistique cognitive.
Connaissez-vous les « frames » de George Lakoff ? Comme l’explique Benoit Raphael, les mots que vous utilisez dans un prompt activent des cadres mentaux qui contraignent la réponse de l’IA. Au lieu de dire « écris un texte sur… », promptez en activant des frames forts comme « Raconte comme un documentariste » ou « Utilise le framework ‘Vends-moi ce stylo' ». Pour auditer vos propres biais, demandez à l’IA : « Quand je dis [« VOTRE PROMPT »], quels sont les frames (au sens de Lakoff) que tu associes à cette demande ? ». Une astuce simple pour passer de résultats aléatoires à des sorties ciblées.
Le nouvel algorithme de LinkedIn est-il biaisé ?
Si votre portée (diffusion de vos posts) sur LinkedIn a chuté, ce n’est peut-être pas qu’une impression. Une enquête de Marie Gaymard explore cette question en profondeur, en s’appuyant sur le post de Kelly Allison qui a testé son « équivalent masculin ». Les LLM et moteurs sémantiques peuvent reproduire les biais de genre présents dans les données d’entraînement. Plutôt que de changer de style, l’article conseille de muscler sa ligne éditoriale : focaliser les sujets, renforcer son autorité et assurer une cohérence sur le long terme. Un rappel nécessaire sur le sujet des biais. Merci Laura Bokobza pour la mise en exergue de ce point.
Explorer les emails d’Epstein dans une fausse interface Gmail.
Un projet web étonnant. Jmail a été repéré par PC Gamer. Il transforme plus de 2 000 emails de Jeffrey Epstein, issus de documents publics, en une interface Gmail factice. En utilisant l’OCR (reconnaissance optique des caractères) et un LLM pour structurer les données brutes (des scans de documents), le projet rend des sources primaires complexes beaucoup plus accessibles. C’est un exemple frappant d’IA appliquée à la visualisation de données, mais qui soulève d’importantes questions éthiques et légales sur la présentation et la médiation de l’information sensible.
X retire ses données de localisation
Le déploiement chaotique de « About This Account » sur X, censé indiquer le pays de création d’un compte, a créé plus de désinformation qu’il n’en a résolu. Localisations erronées dues aux VPN et à la mobilité ont alimenté des accusations de « comptes étrangers », forçant le retrait partiel de la fonctionnalité.
Cybersécurité mobile : nouvelles menaces
Un rapport ANSSI alerte sur la commercialisation d’outils d’attaque prolifiques contre les mobiles. La parade passe par des configurations simples, la coopération internationale et le partenariat avec les constructeurs pour sécuriser les terminaux.
☕ Un café en vrai ?
Vous voulez comprendre comment les agents IA vont redessiner nos parcours digitaux et ce que cela implique pour vos offres ?
Vous vous demandez comment rester visible à l’ère des réponses générées par l’IA, quand le SEO se transforme en AIO ?
Vous cherchez à réduire l’écart d’adoption de l’IA dans vos équipes et à transformer l’expérimentation en performance réelle ?
Autant de sujets qu’on adore explorer chez RnD.
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