RnD Café ☕️ - #389 | Newsletter

BROUILLAGES

Bonjour à toutes et à tous.

Je commencerai cette semaine par un article très bien documenté sur une énième campagne de désinformation russe contre la France.

Cinq campagnes, en fait, si l’on est précis.

Quel rapport avec nos sujets ? On va y venir…

Selon Newsguard donc, une opération d’influence russe mené par Storm-1516 — liée à l’Internet Research Agency — a ciblé la France (en lien avec son soutien à l’Ukraine) entre décembre 2024 et mars 2025 via une série de vidéos virales générées par IA.

Celles-ci mettaient en scène de fausses accusations : aveu de viol par un migrant, achat d’une banque française par Zelensky, menaces islamistes sur Notre-Dame, une liaison impliquant Emmanuel Macron, et une accusation d’abus de Brigitte Macron sur l’un de ses anciens élèves.

Ces infox, diffusées dans plus de 38 000 publications, ont totalisé 55,8 millions de vues sur les réseaux sociaux !

Si ces sujets vous interpellent, je ne peux que vous conseiller de regarder à partir du 2 mai : « La fabrique du mensonge. Sur la piste des agents de Poutine » sur France Télévision.

Et donc ?…

L’intelligence artificielle transforme en profondeur notre accès à l’information, au point de redessiner entièrement les mécanismes de visibilité et de réputation.

Google expérimente des résumés générés par IA qui réduisent les clics vers les sites référencés (déjà en test aux États-Unis), les campagnes de désinformation mentionnées utilisent l’IA pour manipuler l’opinion publique aujourd’hui ciblant des états, demain des marques. Les assistants intelligents deviennent des points de contact privilégiés entre les marques et les utilisateurs, un tiers de « » »confiance » » » (avec 3 guillemets)…

Avez-vous vu à titre d’illustration, le premier épisode de la nouvelle saison de la série Black Mirror, « Des gens ordinaires » ? La protagoniste, victime d’un grave traumatisme crânien, se voit implanter une IA médicale censée l’aider à se reconstruire. Mais rapidement, celle-ci infiltre ses discours — jusque dans sa salle de classe — en y insérant slogans et annonces publicitaires.

Ce scénario, aussi dérangeant que bientôt vraisemblable (!), fait écho à notre réalité : lorsque les IA deviennent des vecteurs d’information, de relation et d’influence, ce sont aussi elles qui modèlent la voix des marques et des individus¹.

Dans ce nouveau paysage, les marques ne peuvent plus se contenter d’optimiser leur présence pour Google.

Elles doivent penser leur identité numérique comme un actif stratégique à part entière : visible, fiable, et exploitable dans les bases de données et les interfaces des IA génératives. Résultats de recherche, contenus publiés, mentions tierces, réponses d’assistants qui connaissent par cœur l’utilisateur², résumés automatisés… tout concourt à forger la réputation algorithmique d’une marque.

C’est une nouvelle forme d’e-réputation, où le SEO, les contenus et la confiance en ligne s’articulent autour des IA.

Et il est temps 1. d’en être conscient, 2. de tenter de reprendre le contrôle.

¹Oui, je me sers de l’IA pour écrire cette newsletter mais 100% « human in the loop » c’est-à-dire gagner du temps pour se concentrer sur ma valeur ajoutée : la sélection et la synthèse.

²Si vous avez activé la fonction mémoire de ChatGPT, avez-vous déjà testé l’expérience virale « Roast Me » ? Ce phénomène, popularisé sur les réseaux sociaux comme Reddit, consiste à inviter les autres à se moquer de vous de manière drôle, piquante mais bienveillante — une forme d’autodérision qui fait réfléchir.
Essayez par exemple ce prompt pour découvrir ce que ChatGPT a retenu de vous. Faites-le pour en prendre la mesure :
« Roast-moi comme si tu me connaissais parfaitement. Sois drôle, piquant mais bienveillant, puis propose-moi 2 ou 3 conseils concrets pour m’améliorer. »

Commençons donc par les questions liées à la recherche : le « search » pour les intimes.

Les AI Overviews de Google font chuter les clics de 34,5 %. Selon Ahrefs , l’apparition d’aperçus IA dans Google diminue drastiquement le trafic organique des premiers résultats vers les sites : 34,5% de baisse, suggérant une augmentation des recherches sans clic.

Position 1 et CTR pour les mots-clés informationnels

Fred Cavazza est revenu en longueur sur les manières d’adapter le référencement à l’ère des IA génératives, chatbots et assistants, soulignant que les méthodes actuelles sont empiriques et que les marques doivent s’assurer de la présence de leurs contenus dans les bases de connaissances de ces outils. Il propose des actions comme vérifier le passage des web crawlers, optimiser Wikipédia et Bing, créer un fichier llms.txt et un flux d’informations produits. En phase.

Mais le sujet ne s’arrête pas aux moteurs de recherche. Aux mêmes causes mêmes effets mais cette fois-ci directement dans votre boîte e-mail. Pourquoi les e-mails de votre marque seraient-ils lus si un agent les résume à vos clients ?
J’ai fait exactement la même expérience que Maël Garcia cette semaine et je suis 100% d’accord avec son analyse. Le principe était donc de connecter ma boite mail au chatbot Claude via un serveur local MCP.
Et effectivement, l’on se prend à « dialoguer » avec sa boîte pour lui demander des synthèses d’un, deux, plusieurs e-mails. Exemple avec une synthèse de la newsletter QANT de Jean Rognetta.

Et dans un entretien croisé à paraître prochainement, je me suis entretenu cette semaine avec Arne de Keyser, professeur de Marketing à l’EDHEC Business School. Ses recherches se concentrent sur l’expérience client et l’IA. Nos conclusions étaient similaires. La dimension conversationnelle va l’emporter sur la majorité des interfaces.
Il n’y a qu’à étudier la liste d’une trentaine de services accessibles directement via votre chatbot Claude via MCP (Google Drive, WhatsApp, Notion, Airbnb, …).

Et sinon, cette semaine ?

Régulation, souveraineté et encadrement juridique

Souveraineté numérique et industrielle : Alain Garnier appelle à une mobilisation collective pour reconquérir notre souveraineté numérique, illustrée par le partenariat stratégique entre Mistral AI et CMA CGM. « Tout le monde est d’accord. Alors, qui fait le premier pas ? » Source

Implication des comités sociaux et économiques (CSE) : Une décision de justice a suspendu l’implémentation d’outils d’IA générative en entreprise, dans l’attente d’un avis formel du CSE, notamment en lien avec les risques pour la vie privée des salariés. Source

Précautions juridiques et droit d’auteur : Lors d’un webinaire juridique sur “IA & marketing” organisé par Semji, Betty Jeulin et Pierre-Xavier Chomac de Sas, ont rappelé notamment que les contenus générés exclusivement par IA ne sont pas protégés par le droit d’auteur. Ils recommandent également de bien formaliser, dans les contrats marketing, le consentement explicite pour l’usage de doubles numériques. Voir le webinaire

Productivité

Plusieurs publications de la semaine confirment une tendance de fond : l’intégration de l’IA dans nos logiciels. Chaque bouton ou action automatisée pourrait reposer sur un prompt soigneusement rédigé en arrière-plan. En attendant, s’entraîner à les maîtriser reste une excellente façon d’améliorer ses usages de l’IA générative.

Échangé cette semaine avec ChatGPT : « L’IA n’est pas une mode. C’est une langue à apprendre. Commencez à balbutier.«

Le B.A.-BA du prompt de Frédéric Cavazza propose un guide clair pour apprendre à formuler des requêtes efficaces et structurer ses tests avec l’IA générative. Lire le guide.

Le nouveau Prompting Guide d’OpenAI présente des méthodes pour des prompts plus orientés « Agents », avec des exemples concrets adaptés à différents objectifs (synthèse, rédaction, idéation).

Les 10 prompts marketing de Ruben Hassid offrent des modèles prêts à l’emploi pour des cas concrets comme la création de noms de produits, de landing pages ou de séquences d’e-mails. Voir les prompts.
Il partage également les huit outils qu’il utilise pour effectuer le travail de plusieurs personnes, remplaçant des logiciels traditionnels pour des tâches comme les présentations, le design, la création de contenu et l’édition vidéo.
Personnellement, j’en utilise 6 sur 8.

Intelligence Artificielle : Usages et Tendances

Côtés entreprises, j’étais passé à côté cette publication de Gartner sur les étapes de la mise en place d’une feuille de route IA : une approche en 7 chantiers : stratégie, valeur business, organisation, talents, gouvernance, ingénierie et données. L’objectif : prioriser les bons cas d’usage, structurer les équipes et anticiper les impacts humains, technologiques et éthiques. Chaque entreprise doit définir son propre parcours IA, en séquençant les actions de manière progressive, du pilote à l’industrialisation.

Côté public, l’IA générative est de plus en plus utilisée pour des besoins émotionnels comme la thérapie et la compagnie, ainsi que pour l’organisation et la recherche de sens, ce qui révèle beaucoup sur nos besoins humains fondamentaux. Parler sans que « l’autre » en face ne s’ennerve, être écouté, ne pas être jugé… Constat développé par William Réjault s’appuyant sur cet article de la Harvard Business Review.

Certaines entreprises exploitent désormais un problème profond : la solitude. Celle de nos aînés est un enjeu réel, personne ne le nie. Mais est-ce ainsi qu’il faut y répondre ?

Pour 30 euros par mois, un service propose de sous-traiter l’affection familiale à une IA. Des appels automatisés, animés par une voix synthétique nourrie de questionnaires, discutent avec vos grands-parents, ravivent des souvenirs… puis vous envoient un compte rendu. Le tout pendant que vous “poursuivez votre vie trépidante”.

C’est ça, le progrès ? Et non, ce n’est pas une blague — j’ai vérifié, cela n’a pas été publié le 1er avril.

L’approche de Benoit Raphaël est beaucoup plus humaine sur le même sujet : Comment ChatGPT peut changer la vie après 65 ans ?

TED 2025 : l’heure du réveil ?

Cette édition de TED (Vancouver du 7 au 11 avril), la dernière orchestrée par Chris Anderson (avant la vente de la licence), marque un tournant.

Dans un monde en crise, le ton techno-optimiste cède la place à une lucidité inquiète. L’intelligence artificielle est sur toutes les lèvres, avec des alertes fortes — comme celle de Yoshua Bengio, affirmant que l’IA est « moins régulée qu’un sandwich ». Une formule choc pour dénoncer le vide réglementaire actuel : alors qu’un simple produit alimentaire est encadré par de nombreuses normes, les systèmes d’IA, capables d’influencer la démocratie, la guerre ou l’information, évoluent encore sans garde-fous sérieux.

La journaliste Carole Cadwalladr, ovationnée dès l’ouverture, dénonce elle aussi la prise de pouvoir des “tech bros” et appelle à protéger nos données et nos enfants.

Un TED plus grave, mais aussi plus engagé, qui sonne comme un appel à la responsabilité collective.

Lire les comptes rendus de Michel Lévy Provençal (102 pages) ou de Stéphane Distinguin.

Je crois par ailleurs qu’il faut prendre le temps de regarder l’interview de Sam Altman par Chris Anderson (47′) au-delà des extraits polémiques (droits d’auteurs, …).

Elle invite à une vraie réflexion sur le pouvoir grandissant de l’intelligence artificielle.

On y découvre la vision du patron d’OpenAI, valorisée 300 milliards de dollars après une levée record. Altman y évoque la croissance fulgurante de ChatGPT (800 millions d’utilisateurs hebdomadaires) et présente Operator, un agent autonome aux impacts potentiels majeurs sur le travail. Il alerte sur les dérives possibles d’un pouvoir technologique concentré et propose une « démocratie algorithmique ». Il répond aussi aux critiques sur le virage lucratif d’OpenAI et les enjeux éthiques de la création à l’ère de l’IA.

L’échange est parfois dérangeant, souvent éclairant. Il met en lumière les dilemmes de notre temps : innovation rapide, gouvernance fragile, créativité menacée.

Un rappel salutaire : sommes-nous encore aux commandes du futur que nous façonnons ?

Outils : annonces de la semaine

OpenAI : nouveaux modèles o3 et o4 mini pour des agents plus légers, capables d’enchaîner des actions complexes avec raisonnement et accès à divers outils (recherche web, images, données). Source
Canva : génération d’applications sans code + nouvelles fonctions : Sheets, Magic Charts. Source
Kling 2.0 (Freepik) : text-to-video boosté, intégration image + vidéo, prix en hausse. Source
Veo-2 (Google) : génération de vidéos 8 secondes depuis un prompt, partage TikTok/Shorts. Source
NotebookLM : nouvelle fonction « Découvrir » pour enrichir la recherche documentaire dans vos sources en allant chercher des compléments sur le web. Source
MiniMax : outils IA multimodaux (voix, image, vidéo) accessibles depuis Claude et Cursor. Source
ElevenLabs : amélioration du clonage vocal (PVC), avec options de monétisation pour les créateurs. Source
Synthesia : la solution d’avatar franchit 100M$ de revenus annuels grâce à des usages concrets en formation et localisation, avec une approche éthique. Source

Finir en beauté et avec le sourire

Rory Flynn propose un workflow simple pour créer des visuel en combinant Figma pour l’esquisse, ChatGPT pour la génération d’idées et Midjourney pour l’édition. Encore un exemple de la complémentarité Homme/Machine.

Gilles Guerraz a partagé ce site pour butiner, chercher de l’inspiration ou simplement découvrir des centaines de styles travaillés avec MidJourney. Voir ici.

Créativité toujours avec ces créations d’Etienne Mineur : visuels générés sur MidJourney et animés ensuite. Hypnotique.

Et parce qu’il est bon de rire parfois, Cyrille de Lasteyrie, alias Vinvin nous partage sa récente rencontre avec Sébastien Liebus, fondateur du site satirique Le Gorafi qui fonctionne avec deux conférences de rédaction hebdomadaires où les auteurs proposent près de 300 titres d’articles.

Si le titre est bon, alors ils écrivent l’article. C’est l’agilité ultime !

Et ça marche :

« L’Académie Française avoue ne pas savoir à quoi sert le point-virgule »
« Léo, 4 ans, souhaite devenir consultant en webmarketing pour préempter la task force »
…
Et mon préféré, inégalé à mes yeux : « Le premier homme à avoir réussi à se connecter au WIFI SNCF avoue avoir menti«

Sur ce, profitez bien de ce long week-end !

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